LES SUCCESSIONS EN DESHERENCE en Polynésie française

Colloque droit de la famille organisé en 2006 par l'Association de Juristes en Polynésie française

COLLOQUE – DROIT DE LA FAMILLE

ATELIER DE FORMATION
LES SUCCESSIONS EN DESHERENCE



Intervention de Monsieur Jean PERES
Membre du haut conseil

I. PROBLEMATIQUE


1.1. Antérieurement à la mise en œuvre de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités (1er janvier 2007), les dispositions suivantes sont applicables :

- Successions en déshérence : articles 768 à 772 du code civil ;
- Successions vacantes : articles 811 à 814 du code civil ;
- Curatelle : décret impérial du 27 janvier 1855.

Elles le resteront tant qu’elles n’auront pas été abrogées ou modifiées par des règlements locaux.

1.2. La loi du 23 juin 2006 a regroupé l’ensemble de ces dispositions dans un nouveau chapitre V du titre 1er du livre 3 du code civil comprenant les articles 809 à 811-3.

1.3. Le II de l’article 40 de la loi du 23 juin 2006 précise que la loi est applicable à la Polynésie française à l’exception des articles 809 à 811-3 du code civil.

1.4. Le 2° de l’article 39 de la loi du 23 juin 2006 a abrogé les articles 941 à 1002 du code de procédure civile parmi lesquels figuraient les pouvoirs du curateur.

1.5. Le 3° de ce même article 39 a expressément abrogé le décret du 27 janvier 1855, les textes qui en ont étendu l’application et les textes pris pour son application.

II. ETAT DU DROIT


2.1. Bien que la matière relative aux successions et libéralités ne figure pas dans les compétences que l’Etat exerce à titre exclusif (cf. article 73 de la Constitution), le législateur a pu valablement l’attribuer à l’Etat dans le cadre de la loi statutaire(cf. 1° de l’article 14).

2.2. Le législateur organique a aussi prévu que la Polynésie française pouvait participer à l’exercice des compétences que l’Etat conserve en la matière (cf. 1° de l’article 31 de la loi statutaire).

2.3. Enfin, le législateur organique, après avoir précisé que la Polynésie française exerce son droit de propriété sur son domaine public et privé (cf. article 46 de la loi statutaire), fixe la composition du domaine de la Polynésie française lequel comprend notamment les biens vacants et sans maître, y compris ceux des personnes qui décèdent sans héritier ou dont les successions ont été abandonnées (cf. premier alinéa de l’article 47 de la loi statutaire).

2.4. La dévolution et la gestion des successions vacantes ou en déshérence relève bien aujourd’hui de la compétence des autorités de la Polynésie française, ce qui explique que le Parlement ait exclu expressément de l’application en Polynésie française les articles 809 à 811-3 du code civil.

III. SOLUTIONS

3.1. Selon l’article 11 de la loi statutaire, les lois, ordonnances et décrets intervenues avant l’entrée en vigueur de cette même loi, dans des matières qui relèvent désormais de la compétence des autorités de la Polynésie française peuvent être modifiés ou abrogés par ces autorités selon les procédures prévues par la loi statutaire.

3.2. Malgré l’abrogation expresse du décret du 27 janvier 1855, le législateur a implicitement mais nécessairement exclu la Polynésie française du champ de cette abrogation.

3.3. Les textes applicables en la matière restent ceux qui sont énumérés au paragraphe 1.1. ci-dessus.

3.4. Ils peuvent être modifiés ou abrogés par une « loi du pays » en application du 1° de l’article 140 de la loi statutaire.

3.5. Il convient enfin de se poser la question de la loi applicable aux successions vacantes ou en déshérence dont l’actif comprendrait des biens immobiliers situés hors de la Polynésie française, notamment la question de savoir qui, de l’Etat ou de la Polynésie française, serait envoyé en possession.

Les règles du droit international privé précisent que la loi applicable est celle du pays de situation du bien immobilier faisant partie de la succession.